AFAJA : Association Française des Avocats et Juristes Arméniens

L’hommage rendu au Bâtonnier Edouard Jakhian par Me Denis Ketchedjian

Je dois vous faire un aveu. Lorsque le président de l’AFAJA m’a demandé de vous présenter le Bâtonnier Edouard Jakhian… et je l’en remercie vivement - , j’avoue que j’ai été très ému, mais aussi très inquiet. En effet, comment présenter à un parterre aussi brillant, une personnalité aussi célèbre que M. le Bâtonnier Edouard Jakhian, dont nous connaissons tous le parcours remarquable et exceptionnel ?

Hommage à Monsieur le Bâtonnier Edouard Jakhian prononcé le mardi 16 novembre 2010
- Monsieur le Bâtonnier Edouard Jakhian
- Monsieur le Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel
- Monsieur le Vice-Bâtonnier Jean-Yves Le Borgne
- Monsieur le Membre du Conseil de l’Ordre Vincent Nioré
- Mes Chers Confrères

Je dois vous faire un aveu.

Lorsque le président de l’AFAJA m’a demandé de vous présenter le Bâtonnier Edouard Jakhian… et je l’en remercie vivement - , j’avoue que j’ai été très ému, mais aussi très inquiet.

En effet, comment présenter à un parterre aussi brillant, une personnalité aussi célèbre que M. le Bâtonnier Edouard Jakhian, dont nous connaissons tous le parcours remarquable et exceptionnel ?

J’ai cependant accepté rapidement car ce que je vais essayer de faire ce soir, c’est de vous dire, Monsieur le Bâtonnier, Cher Edouard, même maladroitement et certes moins bien que vous ne l’auriez fait, ma vieille amitié personnelle et mon admiration respectueuse..

Cher Edouard, si je ne me trompe pas, vous aimez répondre, lorsqu’on vous interroge sur votre identité, que vous êtes 100% Belge et 100% Arménien !

C’est loin d’être une boutade et votre vie exprime tout à la fois votre enracinement dans le pays qui vous a vu naître et votre attachement à vos racines arméniennes venant de votre famille. C’était pourtant loin d’être facile et évident.

Vous êtes un enfant des Arméniens qui on réussi à échapper au Génocide et qui ont trouvé refuge en Belgique. A cette époque l’immigration n’était pas un droit.

L’immigré devait faire preuve de sa qualité pour se faire accepter. Les Arméniens ont relevé ce défi.

La communauté arménienne de Belgique a ainsi donné naissance à des personnalités remarquables qui ont réussi tant au niveau professionnel que social.

Monsieur le Bâtonnier, Cher Edouard, vous en êtes l’illustration la plus éclatante.

Et en même temps que vous meniez une vie professionnelle marquée de succès et de triomphes, vous avez su mettre votre talent au service des Arméniens.

Je n’insisterai pas sur votre parcours professionnel qui est connu de tous.

Après des études à l’Athénée Royal de Ixelles, vous effectuez vos études de droit à l’Université Libre de Bruxelles où vous obtenez le titre de Docteur en Droit.

Et, à 23 ans, vous débutez votre carrière professionnelle d’avocat au célèbre Cabinet Janson Baugniet de Bruxelles. Vous en serez l’un des trois seniors partners jusqu’en 2004, date à laquelle vous décidez de prendre un peu de recul.

Vous vous consacrez essentiellement au droit de la concurrence et au droit pénal financier.

Vous êtes également très actif dans le domaine de l’arbitrage national et international.

Mais je dois ajouter un autre domaine cher à votre coeur - (et au mien, si vous me le permettez) -. C’est celui des Droits de l’Homme. Pendant près de 20 ans, vous pratiquez la Convention Européenne des Droits de l’Homme puisque vous défendez les intérêts du Gouvernement Belge devant la Cour de Strasbourg.

Votre carrière a été marquée aussi par votre charge de Bâtonnier du Barreau de Bruxelles.

Et vous allez alors marquer cette charge du sceau de l’éthique immanente et de votre recherche de la justice éternelle et universelle faisant fi des lois contingentes dont on sait - -(et vous comme nous mieux que d’autres, sans doute) - qu’elles peuvent être injustes. Lors de votre discours d’installation en votre qualité de nouveau Bâtonnier de l’Ordre du Barreau de Bruxelles, le 22 juin 1988, vous opposez, en matière de déontologie, et je vous cite : « La règle professionnelle de circonstance essentiellement temporaire qui traduit la loi des hommes » à « la loi d’Antigone qui est l’éthique profonde et intangible ». Vous vous voulez le gardien jaloux de la loi d’Antigone.

Cette loi d’Antigone qui est incorruptible ne transige pas et ne compromet pas.

Pour reprendre une fois encore les mots que vous prononcez alors, cette loi d’Antigone « ne s’apprend pas ; elle procède de la qualité de l’homme »

Toute votre vie, vous allez poursuivre cette quête de l’éthique profonde et intangible.

Et ce non seulement dans votre carrière d’avocat et dans votre mandat de Bâtonnier, mais également à la tête d’institutions professionnelles nationales ou internationales, ou à la tête de fondations d’utilité publique telles que la Fondation Bernheim ou la Fondation Belge de la Vocation.

A la tête de la Fondation Berheim, vous avez mis l’accent sur la culture et notamment la culture de la paix.

Car, ainsi que vous le dites, seule la culture peut corriger la pensée convenue, c’est-à-dire la pensée toute faite, c’est à dire encore la pensée qui n’a pas subi l’épreuve de la critique.

Vous avez aussi consacré votre énergie à conforter l’indépendance du barreau et du pouvoir judiciaire et à reconstruire une conscience civique. Cette quête de la justice, vous allez aussi la poursuivre au service d’une autre cause, celle des Arméniens et de la tragédie du Génocide de 1915. Car, Monsieur le Bâtonnier, vous n’avez jamais relégué au second plan vos racines arméniennes.

Si vous êtes incontestablement 100% Belge, vous êtes aussi 100% Arménien.

De la même manière que vous maîtrisez la poésie de la langue française, vous savez manier une langue arménienne mélodieuse et musicale.

Je n’oublierai jamais ce spectacle inouï et émouvant que vous nous avez donné un jour de novembre, de réciter avec amour et nostalgie les vers d’une poète arménien qui était, je crois, Taniel Varoujan. Pendant vos études, vous êtes un membre éminent du Cercle des Etudiants Arméniens.

Et c’est à l’initiative de votre Cercle que la Communauté Arménienne de Belgique et l’Université de Gand vont organiser le 9 février 1958 une séance de commémoration en hommage au poète Taniel Varoujan en inaugurant le Mémorial Taniel Varoujan.

C’est, comme vous le direz plus tard, « le premier événement de la vie diasporique, l’événement fondateur, le temps d’un élan ».

Cet élan, vous allez l’imprimer à votre vie et à celle de la communauté arménienne de Belgique.

Et vous ne pouviez choisir, au début de votre carrière professionnelle, plus beau prétoire que le Palais de Justice de Bruxelles pour défendre une cause chère à votre coeur, la reconnaissance du Génocide Arménien.

En effet, en 1969, le discours de rentrée de la nouvelle année judiciaire à Bruxelles, qui est intitulé « Pourquoi Caïn ? », est consacré au Génocide des Arméniens.

Et ce discours, c’est vous, Monsieur le Bâtonnier, qui allait le prononcer. Votre passion de justice que vous exprimez alors dans votre discours, vos auditeurs ne l’ont pas oubliée.

En effet, 40 ans plus tard, en mars 2009, la Conférence du Jeune Barreau de Bruxelles décide de commémorer cet événement de 1969 et de vous rendre ainsi un hommage spécial en organisant une conférence-débat dont le sujet est « Crimes contre l’humanité et génocides : le droit international pénal à l’épreuve ? ».

Après le Cercle des Etudiants Arméniens, après votre discours de jeune avocat lors de la rentrée de l’année judiciaire 1969, vous allez exercer d’autres responsabilités importantes au service des Arméniens de Belgique.

De 1977 à 1986, vous allez être, durant deux mandats, le Président du Comité des Arméniens de Belgique.

Vous allez alors mobiliser les jeunes.

Vous allez faire face au défi que représente l’arrivée de nouveaux immigrants en accueillant les familles arméniennes qui arrivent de l’Est de la Turquie.

Vous allez aussi animer la lutte pour le maintien du fameux paragraphe 30 du Rapport de l’ONU.

Vous allez participer au combat qui va entrainer la résolution du 18/06/1987 du Parlement Européen.

Vous allez aussi doter la communauté arménienne de Belgique de son premier patrimoine, à savoir le Foyer Arménien de Belgique, le Centre Social, et enfin l’Eglise Sainte Marie-Madeleine qui sera inaugurée en 1990 par les deux Catholicos, Vasken I, Catholicos de Tous les Arméniens, et Karekine II, Catholicos de Cilicie.

Vous continuez à vous battre, Monsieur le Bâtonnier, pour la reconnaissance du Génocide des Arméniens.

Vous combattez aussi le Négationnisme d’Etat en demandant l’adoption de textes sanctionnant ce négationnisme qui est un second Génocide. Vous animez les différents colloques organisés en Belgique à cet effet.

Vous serez également membre de l’une des organisations de la Diaspora les plus puissantes, l’UGAB, dont vous serez très longtemps membre du Conseil Central d’Administration à New York, un membre écouté et respecté.

Vous serez également le Conseil spécial de notre Saint Père à Etchmiadzine.

Il est impossible de rappeler toutes vos actions, tous vos faits d’armes.. Pour terminer, et avec votre permission, j’emprunterai les mots que vous avez écrits il y a quelque temps sur l’homme arménien.

L’homme arménien (le véritable bien entendu !) - est habité avant tout par le souffle et l’esprit.

Depuis 2500 ans l’homme arménien se tient debout, grâce à sa droiture et sa force morale.

C’est toujours la loi d’Antigone qui vous inspire, Monsieur le Bâtonnier. Et vous ajoutez que seule une éthique de vie donne aux êtres humains leur véritable poids.

Nous avons , Monsieur le Bâtonnier Christian Charrière-Bournazel, Monsieur le Vice-Bâtonnier Jean-Yves Le Borgne, Monsieur le Membre du Conseil de l’Ordre Vincent Nioré, Mes Chers Confrères, la chance et le privilège d’avoir ce soir avec nous l’un de ces êtres humains habité par le souffle et l’esprit, l’un de ces êtres humains que guide une éthique de vie, un homme, un vrai, un avocat au sens le plus noble de ce terme, un homme libre et, si j’ose dire, l’incarnation du génie arménien.

Je ne peux que m’incliner devant vous, Monsieur le Bâtonnier, et vous dire tout mon respect, et toute mon admiration et toute mon affection. Denis Ketchedjian


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