AFAJA : Association Française des Avocats et Juristes Arméniens

Antoine AGOUDJIAN avec la préface d’Atom Egoyan


Ce sont certaines des images les plus puissantes que j’ai jamais vues. J’ai essayé de comprendre ce qui leur donne leur caractère particulier. J’ai étudié les compositions, essayées de les déchiffrer et d’extraire leur mystère. Tandis que toutes les photographies sont pleines des détails qui résonnent sublimement entre le photographe, le spectateur et le sujet, il y a une alchimie particulière au travail d’Antoine Agoudjian qui est unique et hantant.

Ce que je sens dans ces images est non seulement leur capacité de capturer un moment – une situation de vie propre à chaque photographie - mais également un sens profond de prolonger la concentration même du temps. Le moment est passager, mais le temps passé avec le sujet, semble être magnifié avec une intensité qui dépasse le regard fixe de l’appareil photo. L’âme du sujet et le photographe sont mariés d’une façon sacrée. Le temps passé dans l’échange est bien plus riche que le moment du déclenchement de l’obturateur.

Pour comprendre cet effet, on doit absorber le cadeau particulier d’Agoudjian, qui n’est pas seulement de trouver et de composer son sujet. Comme unique finalité – Mais peut-être encore plus - est la quantité extraordinaire du temps qui est passé pour tirer chacune de ces images. L’acte du tirage est aussi critique à Agoudjian que l’acte de la photographie. L’équilibre riche des valeurs, le jeu étonnant du noir et blanc, la texture de la lumière, est le résultat de l’attachement d’Agoudjian à un art mourrant.

À un moment où la plupart des photographes se sont depuis longtemps converti à la technologie numérique, la technique de tirage d’Agoudjian est résolument physique et faite main. Alors qu’il est possible qu’un tirage numérique puisse produire un résultat semblable, il est impossible d’imaginer qu’elle pourrait créer le même effet mystérieux. Juste comme l’appareil photo a une manière extraordinaire de communiquer les pensées et les sentiments de la personne derrière l’appareil, l’objectif de l’agrandisseur a un effet semblable. Je crois que cette puissance viscérale est prolongée au travers même du verre. Un tirage numérique manque cette étape cruciale. La manipulation est faite par un ordinateur. Par un jeu de clefs et des calculs, des secteurs de l’image sont ombragés, densifiés ou éclairés par le logiciel. La manipulation est entièrement électronique. L’image n’est jamais touchée par les mains humaines. Et c’est ce qui donne aux photographies d’Agoudjian leur caractère particulier. Elles sont saturées avec un sens profond d’humanité, et cette qualité est définie par un jeu puissant entre la présence et l’absence. Elles sont immédiatement réalisées dans l’endroit de leur sens, et marqué par un sens accablant de la fragilité. Cette alchimie est augmentée par la danse étrange qu’Agoudjian emploie pour faire à ces tirages.

Observer Agoudjian au travail est de voir un artiste se prolonger physiquement dans l’image car il crée ces magnifiques tirages. Ses doigts bloquent la lumière de l’objectif de l’agrandisseur pendant qu’il brille sur le papier photo. Il emploiera son propre corps pour contourner les tonalités que vous voyez produit sur ces tirages. De cette façon, Agoudjian prend l’art moderne de la photographie et le relie à l’art folklorique fait main des villageois pour qui il éprouve clairement une intense affection et affinité. Je crois que c’est ce qui rend son travail si unique. L’artiste est complètement impliqué dans la sensibilité de son sujet. Un berger regarde fixement dans l’appareil photo, ses yeux brûlant dans l’objectif pendant que son troupeau broute paisiblement derrière lui. Des fragments de visages d’enfants, les ruines d’une église en arrière plan. Des gestes d’agaçement, visages dans la lumière brillante, ombres et grain, os rougeoyants dans une tombe fraîche …

Voix et mains. Instruments du plaisir et de la douleur. Désespoir et renouvellement. Guerre et paix. Baptême et mort.

Les photographies magnifiques d’Antoine Agoudjian sont un testament de la foi, famille, et les sacrements les plus précieux de l’humanité. Atom EGOYAN