Ni la famille, ni la communauté arménienne de Turquie ne croit à cette thèse de l’accident, survenu un 24 avril dans le huis clos d’une base militaire turque. Certes, figurent au dossier les témoignages de soldats faisant état du caractère involontaire de cet homicide au cours d’un jeu « entre amis » avec une arme chargée. Cependant, Me Ismael Cem Halavurt, avocat des parents du jeune Sevak et également engagé dans la défense de la famille Dink, fait état d’éléments qui viennent contredire cette nouvelle vérité officielle. Il ressort du dossier que le soldat Kvanc Agaoglu a dirigé avec précision son arme contre l’appelé d’origine arménienne. Par ailleurs, ce même soldat est membre du Parti de la Grande Union (BBP), mouvement nationaliste turco-islamiste peu enclin à la tolérance à l’égard des Arméniens. Enfin, la date du 24 avril, éminemment symbolique, résonne comme un avertissement adressé à l’ensemble de la communauté arménienne qui, au regard de l’atmosphère régnant en Turquie, ne croit pas un instant à une malheureuse coïncidence. La famille compte également faire appel, dans le cadre de l’anonymat prévu par le Code de procédure pénal turc, au témoignage contradictoire d’un soldat qui, loin de la thèse accidentelle, soutient le caractère intentionnel de ce meurtre. Tout comme la fiancée du jeune Sevak qui a recueillie les dernières confidences du jeune appelé arménien lequel lui a relaté ses altercations avec un groupe de nationalistes turcs appartenant au BBP. Alors qu’il précisait être originaire de « El Azig » (Kharpout) et qu’il expliquait à ces soldats ce qui était arrivé aux Arméniens de Kharpout en 1915, Sevak Sahin Balikçi s’était vu répondre par l’un d’eux : « Si cela se reproduisait aujourd’hui, la première chose que je ferais serait de te tuer ! ». L’audience du 29 juillet 2011 a, en l’état, privilégié les témoignages des soldats invoquant le caractère accidentel de cette mort. Kvanc Agaoglu a été remis en liberté, le Tribunal militaire estimant ses garanties de représentation suffisantes et qu’il n’avait aucune raison à vouloir échapper à la Justice. Lors de la prochaine audience, les avocats de la famille ont demandé l’audition de la fiancée de Sevak.
Alexandre COUYOUMDJIAN, avocat au Barreau de Paris, président de l’AFAJA.